La légende du diable du pont
Valentré
On raconte que l'architecte
ne pouvant venir à bout de
son œuvre, eut recours à
Satan et fit un pacte avec
lui. Satan s'engageait à
l'aider par tous les moyens
et à lui obéir
ponctuellement, quelque
ordre qu'il put recevoir. Le
travail fini, l'âme de
l'architecte en devait être
le prix. Mais si le démon,
pour une cause quelconque,
refusait de continuer son
assistance jusqu'au bout, il
perdrait tous ses droits sur
le prix en question ; la
besogne marcha vite avec un
tel manœuvre.
Quand le pont fut presque
fini : - se dit en lui-même
l'architecte, voici le
moment de songer à notre
âme, afin que nous n'ayons
pas fait un sot marché. Et
il porta un crible à son
formidable associé : - Ami,
lui dit-il, je t'ai trouvé
docile jusqu'ici, et tu sais
que tu dois l'être jusqu'au
bout ; prends ce crible
(sorte de seau percé),
laisse-le tel qu'il est et
l'emploie à puiser de l'eau
que tu porteras aux maçons
pour délayer la chaux. Le
diable se mordit les lèvres
de dépit ; il tenta pourtant
l'expérience, elle échoua
vingt fois. Jamais crible
n'a gardé l'eau. Confus, le
diable vint avouer sa
défaite, mais jura de se
venger. A quelque temps de
là en effet, lorsque les
maçons eurent presque achevé
de construire la tour du
milieu, ils en trouvèrent
l'angle supérieur nord-ouest
abattu et il leur fut
impossible d'achever cette
tour.
L'architecte chargé de la
restauration, Paul Gout,
fait immortaliser cette
légende par une pierre
sculptée représentant le
diable tentant d'arracher la
pierre du pont mais n'y
parvenant pas, ses doigts
étant coincés dans les
joints de la pierre.